Episode Content

Capsule DD n°65

Vendredi 30 septembre 2022

• L’idée qui transforme : Patagonia fait bouger les lignes
• Le portrait de la capsule : Abigaïl Tijeras, chargée de développement commercial chez TchaoMégot
• Carte blanche à Claire Pomier, chargée de planification sur le campus de Rennes

Transcription

Geoffroy Nous sommes le 30 septembre 2022, c'est vendredi et c’est le moment de retrouver la Capsule DD, nouvelle formule. 3, 2 1 degré : c’est parti !

L’idée qui transforme

Thomas La Terre est maintenant notre seul actionnaire". Cette phrase, vous l’avez certainement lue ou entendue ces derniers jours. L’auteur de ces mots, c’est Yvon Chouinard, militant écologiste et fondateur emblématique de la marque de vêtements Patagonia.

Fortement engagé en faveur de la protection de la nature depuis près de 50 ans, l’entrepreneur américain âgé de 83 ans a décidé de faire don de son entreprise pour défendre la planète. Une première mondiale.

Nathalie Comme le rappelle dans une tribune Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil en RSE Utopies, Yvon Chouinard a ouvert une voie vers la transformation en profondeur du capitalisme :

En 1985, il a mis en place une « Taxe volontaire pour la Terre » dont l’objectif est de reverser 1% de ses ventes annuelles à des ONG environnementales.

En 2002, il a créé le « 1% for the Planet », une organisation à but non lucratif qui incite les entreprises à consacrer elles aussi 1% de leur chiffre d’affaires à la protection et la restauration de l’environnement.

En 2022, le patron américain va encore plus loin : les 100 millions de dollars de bénéfices annuels de Patagonia seront dédiés à la lutte contre le changement climatique.

Dans une lettre envoyée le 14 septembre à ses 3 650 salariés, il explique les options qui se présentaient à lui pour la transmission de son entreprise :

Thomas « Il a été question de vendre Patagonia et de reverser le fruit de la transaction à des associations de protection de l’environnement. Mais il n’était pas certain que les valeurs de la marque soient respectées ni que les collaborateurs bénéficient des mêmes conditions de travail. Une entrée en bourse a également été évoquée mais il existait un risque de perdre de vue la raison d’être de l’entreprise ».

Nathalie Après réflexion, Yvon Chouinard en vient donc à cette conclusion :

Thomas « En vérité, aucune des options existantes ne nous convenait. Nous avons donc créé la nôtre. Plutôt que d’utiliser la Nature et en extraire des matériaux afin d’enrichir nos investisseurs, nous utiliserons la richesse créée par Patagonia pour protéger la source de toute cette richesse”.

Nathalie Yvon Chouinard et sa famille ont donc décidé de transférer 100 % de leurs parts dans l'entreprise à Purpose Trust, une entité chargée de s'assurer que ses valeurs sont respectées, et à Holdfast Collective, une association de lutte contre la crise environnementale et la protection de la nature qui effectuera un travail philanthropique.

Un geste qui pourrait, peut-être, inspirer le monde des affaires pour sauver la planète…

Le portrait de la capsule

Geoffroy Chaque semaine, la Capsule part à la rencontre d’une jeune engagée qui nous partage ses actions et les motivations qu’elles se fassent dans son travail, dans une association ou dans une école…

Thomas Aujourd’hui pour le portrait de la capsule nous recevons Abigail Tijeras, chargée de développement commerciale chez Tchao-mégot, jeune startup à impact environnemental positif basée à Brel près de Beauvais. Bonjour Abigaïl, peux-tu commencer par nous dire ce qu’est Tchao-mégot puis te recentrer un peu plus de ton parcours et de ton engagement sur les sujets environnementaux et sociétaux de manière générale. Abigaïl Tchao-mégot est une startup créée en janvier 2020 qui est une solution de collecte permettant de recycler et dépolluer le mégot de cigarette. La fibre est du mégot est récupérée pour être repiquée dans du textile comme des doudounes ou de l’isolant de bâtiment. Concernant la deuxième partie de ta question, j’ai toujours été sensible au monde qui m’entourait, j’ai fait une licence en géologie par passion pour comprendre le fonctionnement de la terre, puis je me suis orientée vers les entreprises en faisant en Master en RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises avec une partie “Communication Responsable et Environnementale” pour répondre aux problématiques que nous vivons aujourd’hui

Thomas Comment matérialises-tu concrètement cet engagement, ces actions au quotidien ?

Abigaïl Ça a commencé très petite avec les économies d’énergie que l’on faisait à la maison ou encore notre consommation d’eau. Aujourd’hui ça se matérialise plus concrètement car nous avons un jardin partagé, on crée notre propre compost, on rend à la terre ce qu’elle nous donne. On fait aussi beaucoup de récupération, de mobilier ou de vêtement sur des plateformes de secondes mains

Thomas Quels sont les leviers à actionner en tant qu’étudiant, salarié, citoyen qui te semblent déterminants pour devenir acteur du changement, et tendre vers davantage de soutenabilité pour nos sociétés.

Abigaïl Je pense que chacun à la capacité de changer les choses, l’important est de prendre du recul sur la situation, on a parlé du fait d’être “consom’acteur” - notamment dans les grandes surfaces – chaque geste que l’on va faire aura un impact sur notre société. Les grands groupes, les collectivités, les assos se basent sur nos préférences pour orienter leurs choix. Nous avons donc un impact même à petite échelle, je conseillerai de foncer, d’insister pour mettre des choses en place qui vous semble être un acte durable. L'environnement ne fonctionne pas sans économie et c’est nous l’économie, c’est nous qui la créons donc il est important d’initier ce changement pour nous et les générations futures.

Thomas Merci Abigaïl pour ton témoignage, au plaisir de te revoir

Carte Blanche à Claire Pomier

Geoffroy La carte blanche est confiée cette semaine à Claire Pomier chargée de planification sur le campus d’UniLaSalle Rennes.

Claire Je vais vous parler de deux romans parus respectivement en 1963 et 1996, mais qui pourtant font écho au courant de pensée de l’écoféminisme, théorisé en 1974 mais qui est au cœur du débat public, notamment avec l'accélération de la prise de conscience écologique. Au commencement de chacune de ces œuvres, une narratrice qui consigne dans son journal de bord, le récit fait au présent de son existence bouleversée, de la perte irréversible de ses repères, dans un contexte d’effondrement de la civilisation. Dans le Mur invisible, de Marlen Haushofer (1963), la narratrice, veuve et urbaine, se réveille seule dans un chalet au cœur des Alpes autrichiennes, isolée du reste du monde par un mur invisible et infranchissable, au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Avec pour décor l’immensité des alpages, elle va devoir accepter sa condition, et apprendre à organiser seule sa nouvelle vie de labeur, au rythme des saisons, faite de tâches agricoles répétitives et éprouvantes, mais indispensables à sa survie. Malgré la solitude, la fatigue, la faim, la maladie, elle va reprendre la maîtrise de son existence de femme affranchie. Dans l’œuvre de Jean Hegland, intitulée Dans la forêt, parue en 1996, Nell a 17 ans et vit avec sa famille, au beau milieu des forêts de séquoias, au nord de la côte californienne. Elle raconte des faits d’abord anecdotiques - coupures d’électricité, pénurie de carburant, fermeture des écoles, qui semblent les prémices d’une civilisation en train de s’effondrer et la fin d’un monde plein de promesses qui ne seront jamais tenues : Nell n’entrera jamais à l’Université et sa sœur Eva n’intégrera pas le conservatoire. Après la perte accidentelle de leur père, figure protectrice bienveillante, les deux sœurs vont devoir seules, grandir autrement afin de survivre ensemble dans la forêt. Alors pourquoi y voir de l’écoféminisme ? Dans ces deux fictions, les héroïnes (car il s’agit bien de cela) vont faire preuve de résilience en déconstruisant les schémas dans lesquels elles ont grandi et vécu. Elles vont d’abord transcender leur condition d’épouse ou de fille (notamment après le deuil d’un mari ou du père), en s’affranchissant du modèle patriarcal (que ce soit conscient ou non), dans lequel les hommes protègent et s’exposent au danger pour la survie de leur famille, tandis que les femmes gardent le foyer. Ici, changement de paradigme : en confrontation directe avec la nature magnifique et sauvage, elles vont prendre des risques, s’armer d’ingéniosité et de courage pour effectuer des tâches pénibles, difficiles et périlleuses, autrefois dévolues aux hommes (la chasse, la construction, les tâches physiques). Pourtant, cet équilibre subtil qui s’était tissé progressivement au fil des pages, entre la forêt et ses hôtes, va être transgressé violemment par un intrus, de manière les plus brutales qui soient : par le meurtre (dans Le mur invisible) et par le viol (dans La Forêt). De manière métaphorique, le monde sauvage apparaît alors le refuge contre la barbarie, rebut subsistant d’une civilisation en déliquescence.

Générique de fin

Geoffroy

C’était la Capsule DD, le podcast de la durabilité dans l’enseignement supérieur.

Merci à Abigaïl Tijeras et Claire Pomier pour leur participation. Et comme toujours à la manœuvre, l’équipe de la Direction de la Transformation Écologique et Sociétale d’UniLaSalle : Nathalie, Iris, Cécile, Caroline, Thomas et Geoffroy.

On se retrouve dans 15 jours.

Et d’ici là, vous pouvez méditez cette pensée attribuée à Oscar Wilde : « Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies ».