Capsule DD 077 (13:53)

Méga-bassines, pourquoi tant de haine ? Le portrait de la capsule : Prune Lladser co-présidence chez Climates - Carte blanche à Thomas Viveret : La Géo-ingénierie, fausse bonne idée ?


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Capsule n°77

Vendredi 31 mars 2023

Méga-bassine, pourquoi tant de haine ?

Le portrait de la capsule : Prune Lladser co-présidence chez Climates

Carte blanche à Thomas Viveret : La Géo-ingénierie, fausse bonne idée ?

TRANSCRIPTION

L'idée qui transforme : Méga-bassines, pourquoi tant de haine ?

Geoffroy Les violences de ce week-end à Saintes Solines ont marqué les esprits en France et à l’étranger. Et elles ont nécessairement peiné celles et ceux qui croient aux vertus du dialogue.

Le sujet de la discorde : tout le monde le connaît : il s’agit de ce que l’on nomme des méga-bassines.

Alors commençons par poser le contexte.

C’est quoi une méga-bassine ? C’est une réserve d’eau de substitution. Pour les défenseurs de tels dispositifs techniques, c’est une solution efficace pour lutter contre les effets néfastes des sécheresses : on stocke l’eau en hiver, lors d’épisodes d’excès d’eau, via un pompage de la nappe phréatique. Et cette réserve est utilisée en été lorsque les nappes sont à un niveau faible.

Selon eux, le modèle est valable et une étude du BRGM en a montré la pertinence et a validé l’absence d’impact négatif majeur.

Du côté des détracteurs, le système est présenté sous un jour moins glorieux. Tout d’abord à la différence de retenues collinaires, l’alimentation de la réserve n’est pas issue de l’eau pluviale ou d’une eau détournée d’une rivière : c’est un pompage actif qui alimente le lac artificiel.

Une des difficultés de cette approche c’est que le système est actif même en période de déficit de précipitation long, comme cela a été le cas cette année : la pluviométrie n’a pas permis de reconstiter les stocks : il n’y a donc pas eu de période d’excès.

Une seconde critique porte sur le fait d’extraire de l’eau du sous-sol pour l’amener en surface. Cela revient à exposer cette eau, normalement protégée contre l’évaporation, les contaminations et contre le développement d’algues telles que des cyanobactéries, provoqué par l’exposition au soleil.

Les méga-bassines posent un problème systémique, selon les associations de défense de la nature : elles sont généralement sur-dimensionnées : en moyenne il s’agit de bassines qui s’étendent sur 8 ha soit l’équivalent de 11 terrain de foot. Ce surdimensionnsemnt se conçoit du point de vue de l’ingénierie de la construction mais il accroit le prélèvement dans les nappes. Et cela d’autant plus que ces projets sont financés par des fonds publics (soixante millions d’euros uniquement pour les projets du département de la Vienne) et qu’ils ne s’adressent pas à tous les agriculteurs puisqu’ils s’agit d’initiatives privées.

À cela s’ajoute le sentiment d’injustice : Si tous les utilisateurs d’eau que ce soit pour de l’élevage ou du maraichage sont obligés de cotiser à la coopérative qui gère et répartit l’eau de ces réserves selon ses propres règles, seule une minorité d’entre eux sera alimentée ainsi. Les responsables répondent que les agriculteurs non desservis pourront continuer à puiser dans la nappe en été, puisqu’elle sera moins sollicitée grâce aux bassines déjà remplies. Sauf que, en cas d’arrêté préfectoral d’alerte sécheresse, seuls les exploitants raccordés aux bassines ont le droit de continuer à irriguer. Et pas les autres.

Mais c’est la notion même d’irrigation et de culture nécessitant une irrigation qui est pointée du doigt.

Et c’est bien que réside les points de vue irréconciliable ou presque : d’un côté des agriculteurs traumatisés par des pertes de leur récolte voire de leurs troupeaux lors de période de sécheresses estivale et qui veulent se protéger par la mise en place d’une réserve. Et de l’autre ceux qui appellent à un changement majeur de modèle face à une aggravation de la situation ; le changement climatique réduit drastiquemen la pluviométrie et la solution ne réside pas dans un stockage privatif d’une ressource commune : moins d’élevage, abandon du maïs…

Au final c’est de l’appropriation d’un bien commun qui déchaine les passions.

Or ce système commence à montrer des limites sérieuses de l’autre côté des Pyrénnées : en Espagne où de telles réserves sont mises en place depuis les années 50. Et pris entre le contexte de pénurie chronique d’eau liée au changement climatique et la pression agricole sur les réserves, celles-ci deviennent inefficaces, les 1200 réserves ibériques n’étant remplies en moyenne que 6 années sur 10.

On le voit les points de vue sont différents, les analyses divergent fortement et les enjeux des uns et des autres sont forts : enjeux de revenue voire de survie économique du côté des agriculteurs face à un enjeu d’agravation de la situation en matière de biodiversité, vécue comme titalement irreversible et donc innacceptable. £a cela sajoute l’absence de véritables espaces de dialogue et de concertation. Les ingrédients sont réunis pour que les crispations s’intensifient et que les positions se radicalisent. Les violences de ce week-end où chaque camp à l’impression de risquer sa vie ou sa qualité de vie future.

C’est peut-être bien finalement de l’exemple esapgnol dont il faudra s’insprirer, du moins de cette instituation plus séculaire ou coutumoère qu’est el Tribunal de las Aguas de Valencia : le Tribunal de l’eau à Valencia. Où les conflits d’usage de l’eau sont rendus par une assemblée de sages dont les décisions sont au sens propre du terme sans appel.

Le portrait de la capsule

Carte Blanche à Thomas Viveret : La Géo-ingénierie, fausse bonne idée ?

Thomas
Avez-vous déjà entendu parler de la Géo-ingénierie, la science de la manipulation du climat et de l’environnement, proposant des techniques permettant de faire tomber la pluie à un endroit précis ou encore en déployant des machines permettant de capter le gaz carbonique de l’atmosphère ?

Alors que la majorité des scientifiques élèvent leurs voix pour alerter sur la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre sans résultat probant, certains pensent avoir trouvé LA solution à cette situation. Puisque nous n’arrivons pas à contenir l’augmentation de ces gaz et ses impacts conséquents sur la biosphère, alors pourquoi ne pas intervenir directement dessus ?

Cette idée qui vous semble sûrement atypique est pourtant en passe de s’imposer comme une réponse crédible au dérèglement climatique, étant même mentionné dans un des rapports du GIEC, le groupe d’expert travaillant sur l’évolution du climat.

Il existe aujourd’hui plusieurs manières d’utiliser la géo-ingénierie, regroupées en 3 volets : renvoyer les radiations du soleil, capturer le dioxyde de carbone et contenir radicalement les effets du réchauffement climatique. Sans rentrer dans le détail et de manière non-exhaustive, des expérimentations ont déjà été réalisées afin d’injecter des aérosols dans la stratosphère, éclaircir les nuages, capter le carbone, manipuler la génétique des plantes, contrôler les précipitations ou encore fabriquer des structures pour préserver les glaciers. Une technologie qui semble donc intéressante, comme le fait savoir l’entreprise suisse Climeworks qui promet de capter 1% des émissions mondiale de CO2 d’ici 2025 en déployant 750 000 usines.

Pourtant, cette nouvelle science, jugée salvatrice par certains, est largement discréditée par d’autres. La géo-ingénierie serait en réalité un argument, pour « gagner du temps » et maintenir un système à bout de souffle en ventant l’efficacité de ces initiatives sans même les avoir développées.

En reprenant notre exemple de l’entreprise Climeworks, il faut s’avoir que le dispositif actuel, étendu sur 1700 mètres carrés n’aspire que 4000 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de trois secondes d’émissions mondiales. Pour Pierre Gilbert chercheur à l’Institut Rousseau : « quand bien même l’entreprise parviendrait à multiplier ses capacités par 100 en 2030, elle ne capterait que 0,3% des émissions mondiales », de quoi refroidir les espérances attendues .

Le message pro-géo-ingénierie est d’ailleurs employé principalement par les grands patrons gestionnaires d’énergie fossiles pour justifier une longue transition énergétique : « Croire que l’on peut faire cette transition en une nuit n’est pas possible » s’est justifié Patrick Pouyanné PDG de Total. Or du temps nous n’en avons plus rappellent en chœur les climatologues et militants écologistes, il est urgent d’agir.

Sans évoquer la problématique de l’acceptabilité sociale, de l’accès aux ressources et des coûts économiques associés, le sujet de la géo-ingénierie ne semble pas faire consensus, laissant présager des débats futurs entre acteurs politiques, économiques et civiques.

Générique de fin

C’était la Capsule DD, le podcast de la durabilité dans l’enseignement supérieur.

Merci à l’équipe de la Direction de la Transformation Écologique et Sociétale d’UniLaSalle : Nathalie, Iris, Cécile, Caroline, Thomas et Geoffroy.

On se retrouve dans 15 jours.

Et d’ici là, vous pouvez méditez cette pensée attribuée à Hubert Reeves : “À l’échelle cosmique, l’eau liquide est plus rare que l’or.”